Un coeur de gazelle

Un coeur de gazelle...

Lorsque l’on songe à l’enseignement du Bouddha, on évoque souvent les Quatre Nobles Vérités, alors que beaucoup considèrent l’enseignement de la Coproduction Conditionnée comme la véritable pierre angulaire du bouddhisme.

Les Quatre Nobles Vérités, le tout premier discours du Bouddha, pose l’universalité de la souffrance. D’où, peut-être, l’image fausse d’un bouddhisme négatif, pessimiste. Il n’en est rien bien sûr. Regardez les visages épanouis de nos enseignants les plus écoutés !

La joie est un thème trop peu évoqué. Et pourtant la méditation nous met aussi en contact avec la joie.

On trouve dans le livre de  Walpola Rahula "L’enseignement du Bouddha à travers les textes les plus anciens" :

« Cette constatation [de l’universalité de la souffrance] ne rend pas du tout mélancolique ou désolée la vie d'un bouddhiste, comme certains seraient bien à tort tentés d'imaginer.

Tout au contraire, un vrai bouddhiste est le plus heureux des êtres. Il n'a ni crainte ni anxiété. Il est toujours calme et serein. Ni les bouleversements, ni les calamités ne peuvent le troubler. Il voit les choses telles qu'elles sont. Le Bouddha ne fut jamais mélancolique ni lugubre.

Ses contemporains l'ont décrit comme “toujours souriant” (mihita-pubbamgama). Il est toujours représenté dans la peinture et la sculpture bouddhistes avec un visage heureux, serein, content et compatissant.

On ne peut discerner chez lui aucune trace de souffrance, d'angoisse ou de douleur. L'art et l'architecture, les temples bouddhistes ne donnent jamais une impression de mélancolie, ou de tristesse, il en émane, au contraire, une atmosphère de calme et de joie.

Bien que la vie contienne de la souffrance, un bouddhiste ne doit pas être morose à cause d'elle, il ne doit ni s'en irriter, ni s'impatienter. L'un des premiers maux de la vie, selon le bouddhisme, est la répugnance ou la haine. La répugnance (pratigha) est expliquée comme signifiant “la malveillance à l'égard des êtres vivants, devant la souffrance et ce qui se rapporte à la souffrance ; sa fonction consiste à produire une base pour un état malheureux, une conduite mauvaise”. C'est donc une erreur d'être impatient à propos de la souffrance.

Être impatient, s'en irriter, ne la fait pas disparaître. Cela ne fait au contraire qu'accroître notre affliction, qu'aggraver et rendre plus amère une situation déjà pénible. Ce qu'il faut, c'est éviter de se laisser aller à l'impatience, à l'irritation, mais comprendre, au contraire, la souffrance, comment elle vient, comment on peut s'en débarrasser et y travailler avec patience, avec intelligence, avec détermination, avec énergie.

Il y a deux anciens textes bouddhistes d'une grande beauté poétique, appelés Theragāthā et Therigāthā qui sont remplis d'expressions joyeuses de disciples du Bouddha, hommes et femmes, qui avaient trouvé la paix et le bonheur en suivant son enseignement.

Le roi de Kosala fit une fois la remarque, parlant du Bouddha, qu'à la différence de beaucoup d'adeptes d'autres systèmes religieux, les propres disciples du Bouddha “étaient joyeux et transportés (hattha-pahattha), jubilants et exultants (udaggudagga), heureux dans la vie spirituelle (abhiratarupa), leurs facultés satisfaites (pinitindriya), exempts d'anxiété (appossukka), sereins (pannaloma), paisibles (paradavutta) et vivant avec un esprit de gazelles (migabhutena cetasa), c'est à dire le cœur léger”.

Le roi ajouta qu'il croyait que ces heureuses dispositions étaient dues au fait que “ces Vénérables avaient certainement réalisé la haute et pleine signification de l'enseignement du Bienheureux”.

Le bouddhisme est tout à fait opposé à une attitude d'esprit mélancolique, triste, sombre et morose, qu'il tient pour un empêchement à la compréhension de la Vérité. Il faut ici se rappeler que la joie (piti) est un des sept bojjhamga, “facteurs d'éveil”, qualités qu'il est essentiel de cultiver pour réaliser le Nirvāṇa

Mokusho san