Le Son du Silence  2   Ajahn Sumedho

Vous pouvez complètement arrêter le mouvement de vos habitudes et de vos désirs en écoutant le son. du silence. Dans cette écoute il y a l’attention. Il n’est pas nécessaire de fermer les yeux, de se boucher les oreilles ni de demander à quelqu’un de quitter la pièce. Il n’est pas nécessaire de pratiquer cela dans un endroit particulier, cela fonctionne où que vous soyez.

C’est très pratique au quotidien, dans un groupe ou en famille, quand la vie risque de devenir une routine. Dans ces situations, nous avons l’habitude les uns des autres et nous fonctionnons au travers de nos préjugés et d’images dont nous ne sommes même pas conscients. Or voilà que le silence de l’esprit permet à tous ces conditionnements d’être vus pour ce qu’ils sont.

Quand on sait que tous les phénomènes qui apparaissent disparaissent, on voit que toutes les idées et les images que nous avons de nous-mêmes et des autres sont conditionnées par le mental (l’habitude, le temps, la mémoire) et que nous ne sommes pas vraiment cela. Ce que vous croyez être n’est pas ce que vous êtes.

Vous allez demander: « Que suis-je alors ? » mais est-il nécessaire de savoir ce que nous sommes ? Il est suffisant de savoir ce que nous ne sommes pas. Le problème vient de ce que nous croyons être toutes sortes de choses que nous ne sommes pas et c’est cela qui nous fait souffrir.

Nous ne souffrons pas d’anatta, de n’être rien, nous souffrons d’être tout le temps quelqu’un. C’est là qu’est la souffrance. Alors quand nous ne sommes pas quelqu’un, ce n’est pas une souffrance, c’est un soulagement, c’est comme poser une lourde carapace d’images de soi et de peur du regard des autres.

Tous ces fardeaux liés au sentiment d’avoir un « moi », nous pouvons les abandonner.

Nous les lâchons, tout simplement. Quel soulagement de n’être personne ! De ne plus nous voir comme quelqu’un qui a toutes sortes de problèmes et qui devrait pratiquer davantage la méditation pour s’en sortir ou qui devrait venir plus souvent à Amaravati ou qui devrait se libérer mais qui n’y arrive pas ! Tout cela est le produit de la pensée, n’est-ce pas ? C’est fabriquer toutes sortes d’idées sur soi, c’est l’esprit critique qui dit sans cesse que l’on n’est pas assez bon ou que l’on doit s’améliorer.

Donc vous pouvez prêter l’oreille; cette écoute est disponible à tout moment. Peut-être que, au début, il est bon de faire des retraites de méditation ou de vous mettre dans des situations où vous serez rappelé à l’ordre, où vous serez soutenu, où un enseignant vous encouragera à persévérer — parce qu’il est facile de retomber dans les vieilles habitudes, en particulier les habitudes mentales très subtiles — et le son du silence n’a pas l’air si extraordinaire que cela en comparaison.

Pourtant, même en écoutant de la musique vous pouvez entendre ce silence. Il ne gâche pas la musique, il la met en perspective. A partir de là, vous ne vous laisserez pas emporter par elle ni piéger par les sons. Vous pourrez apprécier et le son et le silence.

La Voie du Milieu dont parle le Bouddha n’est pas l’annihilation extrême. On ne dit pas: « Le silence, la vacuité, le non-soi, voilà ce que nous devons atteindre. Nous devons nous libérer de tout désir, de notre personnalité. Tous les sens sont une agression au silence. Nous devons détruire toutes les conditions, la musique, les formes. Il ne devrait pas y avoir de formes dans cette pièce, que des murs blancs. »

Il ne s’agit pas de voir le monde des formes comme une menace, comme une attaque contre la vacuité. Il ne s’agit pas de prendre position pour le conditionné ou le non-conditionné mais plutôt d’être conscient de leur lien – et cela requiert une pratique continue.

C’est là que l’attention, la présence sont nécessaires. Etant donné notre état sur cette planète Terre, liés comme nous le sommes à un corps humain, notre conditionnement est très lourd. Tout au long de notre vie, nous devrons vivre prisonniers des limites, des problèmes et des difficultés de notre corps. Sans compter les émotions ! Nous ressentons tout et nous en gardons le souvenir. Nous serons livrés aux sensations de plaisir et de douleur toute notre vie. Mais nous pouvons voir ces choses-là d’une certaine manière, celle que le Bouddha nous a montrée: comprendre les choses telles qu’elles sont réellement, leur permettre d’être ce qu’elles sont — cause de souffrance mais transitoires et sans nature propre — plutôt qu’y accorder un intérêt qui les déformera et causera encore plus de souffrance.